images dans ma tête

J'ai vraiment du mal à me détacher des images de Raphaël. Puisqu'il semble qu'une avalanche soit à l'origine de ce tremblement de coeur, je l'imagine emporté dans un tourbillon de neige pendant des secondes, des minutes interminables. Et puis le corps s'arrête de tourner, semble s'immobiliser, redescend quelques mêtres supplémentaires, puis s'arrête enfin. A priori, ce corps semble intact. Si on pouvait s'en approcher, on comprendrait qu'en réalité, sous cet anorack, il n'y a plus de vie. L'âme de Raphaël est restée plus haut, sur la montagne. Elle s'est accrochée là où le corps n'avait plus de prise. Le corps sans vie est maintenant peut-être au fond d'une crevasse, peut-être recouvert de neige. Sera-t-il retrouvé un jour ? Son âme s'est enfuie. Où est-elle ? Elle s'est écartée pour revenir vers nous. Elle ronge le coeur de ceux qui ont espéré et attendu.

Et si l'âme ne s'était éloignée de l'enveloppe charnelle qu'après avoir fait cette chute vertigineuse ? Je n'ose imaginer la peur et l'angoisse qui ont certainement envahi l'esprit de Raph. La douleur, le froid, les questions. Est-ce que quelqu'un va venir me chercher, me trouver ? Quand ? Où sont mes compagnons ? Ne peuvent-ils venir vers moi  ? Peut-être un cri, un appel au secours qui ne sort pas de la gorge ou qui se perd dans l'immensité blanche. Il a froid, il attend qu'on vienne le réchauffer. Où sont ces bras réconfortants qu'il attend ?

Ils ont changé leur itinéraire pour tenter l'ascension d'un autre sommet voisin. Pourquoi cette envie ? Pourquoi s'aventurer sur cette autre montagne ? La décision fut-elle collégiale ? Et si la chute n'était pas due à une avalanche. Et si une main étrangère avait précipité cette descente vers l'âbime ?

Sans réponse à toutes ces questions, je vais retourner à KTM et je scruterais tous les visages avec le secret espoir de croiser l'un des leurs. D'aucun diront que je suis fêlée, d'autres que je suis une illuminée. Peu importe, je crois qu'il me faut cette dose de folie pour rendre ma vie plus vraie.

Non ! l"Himalaya n'aura pas le dernier mot.